Bon alors c'est le début d'une histoire et je voulais savoir ce que vous en pensiez...
Je m’appelle Zalanéa. Je n’est pas de nom de famille, ou plutôt, je ne m’en souviens plus. Je fais partie d’une lignée de démonistes, c’est à dire que je commande les démons. Mes pouvoirs sont aux services du Roi d’Alyrinn. Comment suis-je arrivée là ? C’est une histoire longue et compliquée…
Tout a commencé le jour de mes 17 ans. A l’époque, ma famille connaissait l’existence des pouvoirs démoniaque, mais ne savait pas du tout comment s’en servir. Invoquer les démons, faire appel à la puissance de la magie Noire… Tout ceci est simple pour moi maintenant, mais ce jour là, ni moi ni mes parents ne savaient comment faire. Mes parents étaient pauvres, si pauvres qu’ils travaillaient d’arrache-pied pour un modeste quignon de pain. Nous habitions une petite maison cabossée et malodorante. J’étais leur seule fille, mais j’étais un fardeau pour eux. Mon père, qui ne m’aimait pas trop car je n’étais pas aussi belle que ma mère, voulait me vendre.
_ Elle coûtera cher, elle est douée pour la couture, la cuisine et le cirage de chaussures. Vendons-la !
_ La couture, pour nous, ce sont des robes de haillons, la cuisine une couche de poussière sur un morceau de pain et le cirage est fait de cailloux ! Mais arrête donc ! Que ferais un noble d’une fille comme ça ? rétorquait ma mère.
Ce tableau peu paraître peu flatteur, mais il est vrai que lorsque j’avais demandé à apprendre à lire et à écrire, mon père m’avait tourné le dos et ma mère m’avait tristement répondu qu’elle ne pourrait rien faire, étant donné qu’elle ne savait rien de cela elle-même.
Ma mère m’aimait tendrement, et je le lui rendais bien. Elle était ma seule amie. Nous étions très complices. Elle avait inventé un code qui nous servait de communiquer sans se faire remarquer, car il est vrai que chez nous, les seuls sujets de discussions étaient choisis par mon père.
A la maison, je faisais tout pour me rendre utile. Je faisais la vaisselle ( si l’on peut appeler vaisselle un mince filet d’eau sur une vieille écuelle qui sert habituellement pour les chevaux…) et j’aidais ma mère à compter l’argent récolté à son travail. Elle était serveuse dans une petite auberge mal fréquentée nommée Lucarne rouge. Ma mère avait beaucoup de clients, surtout des ivrognes et des pirates qui n’était pas toujours bien polis. Je venais prendre les commandes et porter les plateaux de la partie « gauche » de l’auberge pendant que ma mère se chargeait de la partie « droite ».
Mais je m’égare.
Donc tout a commencé le jour de mes 17 ans. J’avais entendu un vieux client parler d’une ville qu’il avait visité. Il la décrivait comme la plus belle ville qu’il avait vue. Alors que je lui apportais son amphore de vin et son omelette ( qui me mettaient l’eau à la bouche ), il me pris le bras sans façon et me dit :
_ Ma p’t’ite demoiselle, moi, j’vous conseille vivem…hic ! vivement d’y aller, à c’te ville… hic ! ville magnifique… Un p’t’it griff… hic ! griffon et hop ! hic ! Un p’t’it voyage vers Aldaninn ! hic ! En plus, y’a une p’t’ite école pour… hic ! les p’t’ites filles avec pouvoirs !
Aussi, ce soir là, mes parents ( enfin, surtout ma mère ), comme tout les ans, me demandaient ce que je désirais pour mon anniversaire. Et je leurs répondis :
_ Un voyage vers Aldaninn.
Ma mère faillit tomber de sa chaise. Mon père haussa les épaules.
_ Je vous en supplie ! m’écriais-je. Là bas, il y a une école. Il vous suffit de m’inscrire et voilà ! Je ne vous gênerais plus. Je suis un fardeau pour vous. J’ai des pouvoirs démoniaques, et je ne sais pas quoi en faire ! C’est un supplice ! Revenue ici, je vous apprendrais ce que j’aurais appris. Et là, vous pourriez gagner plus d’argent, vous acheter une maison plus grande, plus belle et plus confortable…
_ Il faut déjà que tu revienne vivante, grogna mon père. Ce voyage est dangereux.
Le vieillard avait omis un petit détail… C’était gênant. Je me tournais vers ma mère.
_ Remarque, continua mon père, moi, ça m’arrangerais… Tu traîneras plus dans mes pattes. Je pourrais travailler tranquillement, sans avoir une fille de 17 ans dans les jambes toute la journée…
_ Tu oublies que Zalanéa vient toujours avec moi, coupa ma mère.
Sa voix me sembla triste.
_ Qui donc m’aidera ? Sur qui déverserais-je mon amour ? Qui t’aideras, toi ? Qui d’autre que moi ? murmura t-elle dans un sanglot.
Mon cœur trébucha. Il est vrai que ma mère me manquerais vraiment. Mais cette ville semblait si… merveilleuse…
_ Maman… Et si je ne reste pas plus de trois mois là bas ? Un trimestre ? Ça te rassurerait ?
Elle sembla réfléchir. Je n’en suis pas certaine car les larmes coulaient sur ses joues.
_ Mais… souffla t-elle, mais moi, je… pendant ce temps, tu… Il… Je ne…
Elle hésitait encore. Que faire pour y aller ? Mon père, je m’en moquais, il n’y avait rien entre lui et moi. C’était un inconnu. Même le vieillard, qui n’était rien d’autre qu’un client, me semblait plus près de moi que mon père. Mais ma mère… c’était une autre histoire. Elle m’avait élevée, et sans elle, je serais sans doute esclave de l’une ou l’autre famille noble. C’était la seule personne que j’aimais. Je serais sans doute perdue sans elle… J’étais partagée entre le désir de partir découvrir d’autres terres et celui de rester aider et aimer ma mère. Que feriez-vous à ma place ? J’essayais d’insister :
_ Pour écrire une lettre, il suffit d’un papier et d’un crayon… Si je t’écris tous les jours, tu me laisserais partir ?
_ Tu ne sais pas écrire…
_ C’est vrai, mais je demanderais à apprendre. Et à lire. Oh, et puis à compter. Et à pêcher, et à…
_ STOP ! hurla mon père. Tu veux tuer ta mère ? La tuer de chagrin ? Je savais que tu étais une fille ignoble. Depuis le début, j’en étais sûr.
« Mais de quoi il se mêle, celui là ? » pensais-je.
_ Elle est assez forte pour subir cela, monsieur, dit tranquillement une voix dans le dos de mon père.
Ce dernier se retourna et… Stupeur ! Un homme se tenait là.
L’inconnu était grand, brun avec de grands yeux verts. Il était habillé comme les nobles, avec de la soie et de l’or. Il portait une longue épée qui devait lui avoir beaucoup servi, étant donné le nombre important d’entailles et la longue cicatrice de son porteur. Derrière lui se tenait un imposant griffon aux pattes de lion et aux plumes de faucons. Il portait une selle d’or et d’argent qui semblait très confortable.
L’élégance et la grâce de ce personnage ne plu pas à mon père, qui cria :
_ Qui êtes-vous et comment osez-vous entrer…
_ Sans frapper ? termina l’homme. Tout simplement parce que mon griffon était pressé d’entrer. Hein, Pierrêche ? D’ailleurs, il est tellement généreux qu’il vous a laissé une ou deux heures de bricolage gratuites…
Le griffon Pierrêche hocha lentement la tête. Ma mère, mon père et moi-même avions tourné la tête pour découvrir la porte à moitié détruite. Mon père hurla de rage à l’idée de devoir tout réparer. Mais l’homme était trop riche pour qu’il puisse refuser. Il était certainement très proche du roi pour avoir tant d’or ne serait ce sur son chapeau…
_ Qui êtes vous ? murmura ma mère, plus pâle que la mort.
_ Comment ? Vous ne le savez pas ? fit l’homme en caressant son griffon. Et bien, Zalanéa va répondre à votre question, n’est-ce pas ?
_ Vous connaissez ma fille ? s’étonna mon père.
C’était la première fois qu’il m’appelait ‘’ma fille‘’. Je suppose qu’il se servait de moi comme… une protection, en quelque sorte.
_ Bien sûr, répondit la personne que j’étais sensée connaître. Qui donc a donné à votre fille l’idée saugrenue d’aller à Aldaninn ?
_ Un vieil ivrogne, sans doute ? dit ma mère. Enfin, c’est un vieil homme qui lui a parlé de cette ville…
Ce que je vit alors, je m’en souviendrais toujours. L’homme enleva son manteau de soie, déposa à terre son chapeau de velours, tordit son nez, grimaça, se contorsionna… Bref, à la fin, ce n’était plus un homme riche et élégant, c’était un vieil ivrogne au crâne dégarni, l’amphore à la main. Je poussais un cri :
_ C’est lui !
Comment aurai-je pus le reconnaître avec ses habits de noble et son costume bien coupé ? L’homme reprit son apparence de jeune homme et dit :
_ Je suis moi-même inscrit dans cette école. Les cours sont très intéressants. Je vous les conseille vivement, continua t-il en se tournant vers moi. Je me nomme Tinarël, j’ai 18 ans. En tant que fils du proviseur, je pourrais même vous inscrire gratuitement et vous payer le voyage en griffon. En fait, Pierrêche peut transporter une armée.
Le griffon émit un espèce de miaulement faisant un peu penser au ronronnement d’un chaton de quelques mois. Il n’était pas insensible aux compliments.
Mon père hocha lentement la tête. Ma mère, encore secouée de la transformation de Tinarël, s’effondra dans un coin remplit de toiles d’araignées.
_ Si vous voulez tant nous enlever notre fille… souffla t-elle au bord des larmes.
Sa tristesse me fit verser une larme. Mais il me semblait que Tinarël me donnait une chance que je n’étais pas prête de retrouver. Si je restais, jamais mes parents ( enfin, ma mère ) n’accepteraient de me laisser partir si l’envie me reprenait.
Les dés étaient jetés. Je décidais de grimper faire mes bagages, emporter deux ou trois choses qui m’étaient chères ( pas grand-chose, en fait ). En montant les trois marches conduisant à la chambre qui servait de dortoir, cuisine et fourre-tout, j’entendis ma mère pleurer et Tinarël dire :
_ Ne craignez rien, Zalanéa est entre de bonne mains. Je ne veux que son bonheur.
Je décidais d’emporter un bout de drap déchiré qui me servait de doudou quand j’étais enfant, un gri-gri que ma mère avait trouvé à l’auberge et un dessin de ma mère et moi qu’un artiste avait dessiné en échange d’un repas et d’une chambre. Je mis tout dans un grand voile qui me servait de couverture et rejoins mes parents et mon nouvel allié.
J’embrassais rapidement mon père puis serrais ma mère dans mes bras avant de suivre Tinarël. Impressionnée par le griffon, je n’osais pas monter. Comme il était grand, imposant et beau… Je me sentis faible et petite pendant un instant.
_ Vous n’avez rien à craindre, montez ! me dit Tinarël.
Je me décidais, pris la main que me tendait l’homme et me hissais sur le dos de Pierrêche. Je me postais en croupe devant Tinarël. Je sentais un mélange de plumes et de poils entre mes jambes… C’était assez étrange.
Pierrêche rugit, releva sa tête gigantesque puis s’envola dans les airs, fracassant au passage le toit de notre maison. J’imaginais mon père réparant les dégâts : quand j’étais plus jeune, je lui lançais un vieux pot de peinture bleue sur la tête. Cela le rendait furieux, mais moi et ma mère, nous riions bien…
Tinarël mit fin à mes rêveries en me disant :
_ Il me semble que vous ne savez ni lire, ni écrire…
_ En effet. L’instruction n’est pas pour les personnes de basse condition.
_ C’est révoltant ! Je vais vous apprendre… si vous le veux bien.
Je passais de longues heures à apprendre l’écriture, puis la lecture. Je lus quelques textes – ma fois, assez bien – sur l’école dans laquelle j’allais me retrouver. Ils disaient que l’institution était à Aldaninn depuis cinquante-six ans et qu’elle avait accueillit vingt-cinq mille quatre cent soixante-neuf élèves, dont un qui n’était autre que Endager, le conseiller du Roi !
Nous passâmes une bonne journée ensemble, survolant les toits, observant les lettres ou les personnes qui nous semblaient minuscules vu de si haut. Puis nous descendîmes dormir dans une grande tente que Tinarël déplia devant un petit bois en me racontant quelques anecdotes sur son enfance. Je riais de bon cœur. Il gardait toujours le même sourire sur ses lèvres et ce regard à la fois doux, joyeux et rieur. J’étais épuisée par la route et mes fesses étaient ankylosées. Je m’endormis pour la première fois dans de chaudes couvertures avant même d’avoir dîné !
Ce fut la douce odeur de la nourriture qui me réveilla. Encore à moitié endormie, je me levais pour manger. Et ce que je vis me réveilla complètement ! Pierrêche le griffon faisait cuire des énormes œufs sur une de ses pattes ! Je hurlais, pensant qu’il allait se brûler. D’un coup, Tinarël fut devant moi, un tas de bois à la main et des branchages dans les cheveux ! Je hurlais de plus belle et mon cri résonna dans le bois. Tinarël me força doucement à m’asseoir pour me calmer. Je repris lentement ma respiration.
_ Il doit avoir mal ! balbutiais-je en regardant le griffon passer sa patte au-dessus du feu comme si de rien n’était.
_ Qui, Pierrêche ? Non, c’est un griffon robuste. La pire des choses qui pourrait lui arriver serait de perdre deux ou trois plumes !
_ Et… et vous, monsieur…
_ Appelez-moi Tinarël.
_ Tinarël… Comment êtes-vous apparu ? Je ne vous ai pas vu arriver…
Il me regarda comme si j’étais devenue folle :
_ Je vous ai dit hier que j’avais appris à me téléporter. Vous ne vous en souvenez pas ?
Oh là là je n'est plus de place...
Je m’appelle Zalanéa. Je n’est pas de nom de famille, ou plutôt, je ne m’en souviens plus. Je fais partie d’une lignée de démonistes, c’est à dire que je commande les démons. Mes pouvoirs sont aux services du Roi d’Alyrinn. Comment suis-je arrivée là ? C’est une histoire longue et compliquée…
Tout a commencé le jour de mes 17 ans. A l’époque, ma famille connaissait l’existence des pouvoirs démoniaque, mais ne savait pas du tout comment s’en servir. Invoquer les démons, faire appel à la puissance de la magie Noire… Tout ceci est simple pour moi maintenant, mais ce jour là, ni moi ni mes parents ne savaient comment faire. Mes parents étaient pauvres, si pauvres qu’ils travaillaient d’arrache-pied pour un modeste quignon de pain. Nous habitions une petite maison cabossée et malodorante. J’étais leur seule fille, mais j’étais un fardeau pour eux. Mon père, qui ne m’aimait pas trop car je n’étais pas aussi belle que ma mère, voulait me vendre.
_ Elle coûtera cher, elle est douée pour la couture, la cuisine et le cirage de chaussures. Vendons-la !
_ La couture, pour nous, ce sont des robes de haillons, la cuisine une couche de poussière sur un morceau de pain et le cirage est fait de cailloux ! Mais arrête donc ! Que ferais un noble d’une fille comme ça ? rétorquait ma mère.
Ce tableau peu paraître peu flatteur, mais il est vrai que lorsque j’avais demandé à apprendre à lire et à écrire, mon père m’avait tourné le dos et ma mère m’avait tristement répondu qu’elle ne pourrait rien faire, étant donné qu’elle ne savait rien de cela elle-même.
Ma mère m’aimait tendrement, et je le lui rendais bien. Elle était ma seule amie. Nous étions très complices. Elle avait inventé un code qui nous servait de communiquer sans se faire remarquer, car il est vrai que chez nous, les seuls sujets de discussions étaient choisis par mon père.
A la maison, je faisais tout pour me rendre utile. Je faisais la vaisselle ( si l’on peut appeler vaisselle un mince filet d’eau sur une vieille écuelle qui sert habituellement pour les chevaux…) et j’aidais ma mère à compter l’argent récolté à son travail. Elle était serveuse dans une petite auberge mal fréquentée nommée Lucarne rouge. Ma mère avait beaucoup de clients, surtout des ivrognes et des pirates qui n’était pas toujours bien polis. Je venais prendre les commandes et porter les plateaux de la partie « gauche » de l’auberge pendant que ma mère se chargeait de la partie « droite ».
Mais je m’égare.
Donc tout a commencé le jour de mes 17 ans. J’avais entendu un vieux client parler d’une ville qu’il avait visité. Il la décrivait comme la plus belle ville qu’il avait vue. Alors que je lui apportais son amphore de vin et son omelette ( qui me mettaient l’eau à la bouche ), il me pris le bras sans façon et me dit :
_ Ma p’t’ite demoiselle, moi, j’vous conseille vivem…hic ! vivement d’y aller, à c’te ville… hic ! ville magnifique… Un p’t’it griff… hic ! griffon et hop ! hic ! Un p’t’it voyage vers Aldaninn ! hic ! En plus, y’a une p’t’ite école pour… hic ! les p’t’ites filles avec pouvoirs !
Aussi, ce soir là, mes parents ( enfin, surtout ma mère ), comme tout les ans, me demandaient ce que je désirais pour mon anniversaire. Et je leurs répondis :
_ Un voyage vers Aldaninn.
Ma mère faillit tomber de sa chaise. Mon père haussa les épaules.
_ Je vous en supplie ! m’écriais-je. Là bas, il y a une école. Il vous suffit de m’inscrire et voilà ! Je ne vous gênerais plus. Je suis un fardeau pour vous. J’ai des pouvoirs démoniaques, et je ne sais pas quoi en faire ! C’est un supplice ! Revenue ici, je vous apprendrais ce que j’aurais appris. Et là, vous pourriez gagner plus d’argent, vous acheter une maison plus grande, plus belle et plus confortable…
_ Il faut déjà que tu revienne vivante, grogna mon père. Ce voyage est dangereux.
Le vieillard avait omis un petit détail… C’était gênant. Je me tournais vers ma mère.
_ Remarque, continua mon père, moi, ça m’arrangerais… Tu traîneras plus dans mes pattes. Je pourrais travailler tranquillement, sans avoir une fille de 17 ans dans les jambes toute la journée…
_ Tu oublies que Zalanéa vient toujours avec moi, coupa ma mère.
Sa voix me sembla triste.
_ Qui donc m’aidera ? Sur qui déverserais-je mon amour ? Qui t’aideras, toi ? Qui d’autre que moi ? murmura t-elle dans un sanglot.
Mon cœur trébucha. Il est vrai que ma mère me manquerais vraiment. Mais cette ville semblait si… merveilleuse…
_ Maman… Et si je ne reste pas plus de trois mois là bas ? Un trimestre ? Ça te rassurerait ?
Elle sembla réfléchir. Je n’en suis pas certaine car les larmes coulaient sur ses joues.
_ Mais… souffla t-elle, mais moi, je… pendant ce temps, tu… Il… Je ne…
Elle hésitait encore. Que faire pour y aller ? Mon père, je m’en moquais, il n’y avait rien entre lui et moi. C’était un inconnu. Même le vieillard, qui n’était rien d’autre qu’un client, me semblait plus près de moi que mon père. Mais ma mère… c’était une autre histoire. Elle m’avait élevée, et sans elle, je serais sans doute esclave de l’une ou l’autre famille noble. C’était la seule personne que j’aimais. Je serais sans doute perdue sans elle… J’étais partagée entre le désir de partir découvrir d’autres terres et celui de rester aider et aimer ma mère. Que feriez-vous à ma place ? J’essayais d’insister :
_ Pour écrire une lettre, il suffit d’un papier et d’un crayon… Si je t’écris tous les jours, tu me laisserais partir ?
_ Tu ne sais pas écrire…
_ C’est vrai, mais je demanderais à apprendre. Et à lire. Oh, et puis à compter. Et à pêcher, et à…
_ STOP ! hurla mon père. Tu veux tuer ta mère ? La tuer de chagrin ? Je savais que tu étais une fille ignoble. Depuis le début, j’en étais sûr.
« Mais de quoi il se mêle, celui là ? » pensais-je.
_ Elle est assez forte pour subir cela, monsieur, dit tranquillement une voix dans le dos de mon père.
Ce dernier se retourna et… Stupeur ! Un homme se tenait là.
L’inconnu était grand, brun avec de grands yeux verts. Il était habillé comme les nobles, avec de la soie et de l’or. Il portait une longue épée qui devait lui avoir beaucoup servi, étant donné le nombre important d’entailles et la longue cicatrice de son porteur. Derrière lui se tenait un imposant griffon aux pattes de lion et aux plumes de faucons. Il portait une selle d’or et d’argent qui semblait très confortable.
L’élégance et la grâce de ce personnage ne plu pas à mon père, qui cria :
_ Qui êtes-vous et comment osez-vous entrer…
_ Sans frapper ? termina l’homme. Tout simplement parce que mon griffon était pressé d’entrer. Hein, Pierrêche ? D’ailleurs, il est tellement généreux qu’il vous a laissé une ou deux heures de bricolage gratuites…
Le griffon Pierrêche hocha lentement la tête. Ma mère, mon père et moi-même avions tourné la tête pour découvrir la porte à moitié détruite. Mon père hurla de rage à l’idée de devoir tout réparer. Mais l’homme était trop riche pour qu’il puisse refuser. Il était certainement très proche du roi pour avoir tant d’or ne serait ce sur son chapeau…
_ Qui êtes vous ? murmura ma mère, plus pâle que la mort.
_ Comment ? Vous ne le savez pas ? fit l’homme en caressant son griffon. Et bien, Zalanéa va répondre à votre question, n’est-ce pas ?
_ Vous connaissez ma fille ? s’étonna mon père.
C’était la première fois qu’il m’appelait ‘’ma fille‘’. Je suppose qu’il se servait de moi comme… une protection, en quelque sorte.
_ Bien sûr, répondit la personne que j’étais sensée connaître. Qui donc a donné à votre fille l’idée saugrenue d’aller à Aldaninn ?
_ Un vieil ivrogne, sans doute ? dit ma mère. Enfin, c’est un vieil homme qui lui a parlé de cette ville…
Ce que je vit alors, je m’en souviendrais toujours. L’homme enleva son manteau de soie, déposa à terre son chapeau de velours, tordit son nez, grimaça, se contorsionna… Bref, à la fin, ce n’était plus un homme riche et élégant, c’était un vieil ivrogne au crâne dégarni, l’amphore à la main. Je poussais un cri :
_ C’est lui !
Comment aurai-je pus le reconnaître avec ses habits de noble et son costume bien coupé ? L’homme reprit son apparence de jeune homme et dit :
_ Je suis moi-même inscrit dans cette école. Les cours sont très intéressants. Je vous les conseille vivement, continua t-il en se tournant vers moi. Je me nomme Tinarël, j’ai 18 ans. En tant que fils du proviseur, je pourrais même vous inscrire gratuitement et vous payer le voyage en griffon. En fait, Pierrêche peut transporter une armée.
Le griffon émit un espèce de miaulement faisant un peu penser au ronronnement d’un chaton de quelques mois. Il n’était pas insensible aux compliments.
Mon père hocha lentement la tête. Ma mère, encore secouée de la transformation de Tinarël, s’effondra dans un coin remplit de toiles d’araignées.
_ Si vous voulez tant nous enlever notre fille… souffla t-elle au bord des larmes.
Sa tristesse me fit verser une larme. Mais il me semblait que Tinarël me donnait une chance que je n’étais pas prête de retrouver. Si je restais, jamais mes parents ( enfin, ma mère ) n’accepteraient de me laisser partir si l’envie me reprenait.
Les dés étaient jetés. Je décidais de grimper faire mes bagages, emporter deux ou trois choses qui m’étaient chères ( pas grand-chose, en fait ). En montant les trois marches conduisant à la chambre qui servait de dortoir, cuisine et fourre-tout, j’entendis ma mère pleurer et Tinarël dire :
_ Ne craignez rien, Zalanéa est entre de bonne mains. Je ne veux que son bonheur.
Je décidais d’emporter un bout de drap déchiré qui me servait de doudou quand j’étais enfant, un gri-gri que ma mère avait trouvé à l’auberge et un dessin de ma mère et moi qu’un artiste avait dessiné en échange d’un repas et d’une chambre. Je mis tout dans un grand voile qui me servait de couverture et rejoins mes parents et mon nouvel allié.
J’embrassais rapidement mon père puis serrais ma mère dans mes bras avant de suivre Tinarël. Impressionnée par le griffon, je n’osais pas monter. Comme il était grand, imposant et beau… Je me sentis faible et petite pendant un instant.
_ Vous n’avez rien à craindre, montez ! me dit Tinarël.
Je me décidais, pris la main que me tendait l’homme et me hissais sur le dos de Pierrêche. Je me postais en croupe devant Tinarël. Je sentais un mélange de plumes et de poils entre mes jambes… C’était assez étrange.
Pierrêche rugit, releva sa tête gigantesque puis s’envola dans les airs, fracassant au passage le toit de notre maison. J’imaginais mon père réparant les dégâts : quand j’étais plus jeune, je lui lançais un vieux pot de peinture bleue sur la tête. Cela le rendait furieux, mais moi et ma mère, nous riions bien…
Tinarël mit fin à mes rêveries en me disant :
_ Il me semble que vous ne savez ni lire, ni écrire…
_ En effet. L’instruction n’est pas pour les personnes de basse condition.
_ C’est révoltant ! Je vais vous apprendre… si vous le veux bien.
Je passais de longues heures à apprendre l’écriture, puis la lecture. Je lus quelques textes – ma fois, assez bien – sur l’école dans laquelle j’allais me retrouver. Ils disaient que l’institution était à Aldaninn depuis cinquante-six ans et qu’elle avait accueillit vingt-cinq mille quatre cent soixante-neuf élèves, dont un qui n’était autre que Endager, le conseiller du Roi !
Nous passâmes une bonne journée ensemble, survolant les toits, observant les lettres ou les personnes qui nous semblaient minuscules vu de si haut. Puis nous descendîmes dormir dans une grande tente que Tinarël déplia devant un petit bois en me racontant quelques anecdotes sur son enfance. Je riais de bon cœur. Il gardait toujours le même sourire sur ses lèvres et ce regard à la fois doux, joyeux et rieur. J’étais épuisée par la route et mes fesses étaient ankylosées. Je m’endormis pour la première fois dans de chaudes couvertures avant même d’avoir dîné !
Ce fut la douce odeur de la nourriture qui me réveilla. Encore à moitié endormie, je me levais pour manger. Et ce que je vis me réveilla complètement ! Pierrêche le griffon faisait cuire des énormes œufs sur une de ses pattes ! Je hurlais, pensant qu’il allait se brûler. D’un coup, Tinarël fut devant moi, un tas de bois à la main et des branchages dans les cheveux ! Je hurlais de plus belle et mon cri résonna dans le bois. Tinarël me força doucement à m’asseoir pour me calmer. Je repris lentement ma respiration.
_ Il doit avoir mal ! balbutiais-je en regardant le griffon passer sa patte au-dessus du feu comme si de rien n’était.
_ Qui, Pierrêche ? Non, c’est un griffon robuste. La pire des choses qui pourrait lui arriver serait de perdre deux ou trois plumes !
_ Et… et vous, monsieur…
_ Appelez-moi Tinarël.
_ Tinarël… Comment êtes-vous apparu ? Je ne vous ai pas vu arriver…
Il me regarda comme si j’étais devenue folle :
_ Je vous ai dit hier que j’avais appris à me téléporter. Vous ne vous en souvenez pas ?
Oh là là je n'est plus de place...